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Abram 

Commissariat d'exposition : Anna Maisonneuve & Elisa Mistrot

Textes : Anna Maisonneuve

Initialement façonnées dans des matériaux traditionnels tels que le bois et la terre cuite, les œuvres d'Abram s'ouvrent progressivement à une variété de supports, comme le plâtre, la résine et même le polystyrène.

Toutes ces étapes convergent vers une finalité : le bronze, cet alliage noble et inflexible, dont la finesse et la précision s'accompagnent d'une palette de finitions offrant un vaste éventail de teintes et de textures.

De facture classique et figurative à ses débuts, ses œuvres s'engagent dans le cubisme, avant de s'en éloigner progressivement, introduisant des lignes courbes et exaltant une quête très personnelle oscillant entre équilibre et déséquilibre, rigueur et raffinement à travers des thèmes comme celui de la femme, omniprésent, et d'autres sujets inspirés de la musique, du sacré et du profane.

Biographie : 

 

Né en 1937 à Paris, André Abram a installé son atelier à Sainte-Eulalie il y a plus de 50 ans.

 

Membre de la Société du Salon d'Automne et de la Fondation Taylor, lauréat du prix Camille Claudel en 2013 pour « L’Éveil », son travail a été distingué à maintes reprises et a attiré un grand nombre d'amateurs fidèles, en France comme à l'étranger, dont l'important collectionneur d'art moderne, Jean-Pierre Moueix.

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Exposition Abram, parc Rivière, 2024 ©L.Gauthier - Ville de Bordeaux

« Le dessin est à la base de tout », aime à répéter Abram. Cette conviction s'enracine dans ses souvenirs d'enfance, émaillés de balades solitaires où il s'appliquait à reproduire fidèlement chaque détail du paysage qui s'offrait à sa vue. Plus tard, ce principe guide son parcours, nourri par la fréquentation des ateliers de Montparnasse et de l'école des Beaux-Arts de Bordeaux. Le dessin, encore et toujours, lui vaut un prix de la Société Philomatique de Bordeaux pour la représentation d'une pièce mécanique qui, selon ses dires, « n’avait rien à voir avec l’art, mais avec le trait. » Ce trait, qui n’est rien d’autre que la ligne et le dessin, constitue la racine et l’essence de toutes les disciplines artistiques, comme le disait Michel-Ange. Abram l'a bien compris et cet adage il l'a fait sien. 

 

Qu’il soit minutieux et précis ou intuitif et spontané, ce trait guide une trajectoire artistique dense et protéiforme qui se construit sur plus de six décennies. De facture classique et figurative à ses débuts, son itinéraire s’engage dans le cubisme avant de s’en éloigner progressivement, introduisant des lignes courbes et exaltant une quête très personnelle oscillant entre équilibre et déséquilibre, rigueur et raffinement. 

 

Si son travail converge vers une finalité : le bronze, cet alliage millénaire, noble et inflexible à la longévité exceptionnelle, dont la finesse et la précision s'accompagnent d'une palette de finitions offrant un vaste éventail de teintes et de textures, il s'exprime aussi à travers des œuvres graphiques, des peintures, des estampes et une infinité de créations en volume. Parmi elles, des céramiques dont la matière délicate et capricieuse se dompte dans des formes inspirées du quotidien qui n'ont d'utilitaires que leur apparence. Monumentales ou intimes, explorant des thèmes inspirés par la musique, le sacré et le profane, ces œuvres dévoilent un imaginaire qui célèbre l'intensité poétique du monde.

©F.Deval - Ville de Bordeaux 2024

©F.Deval - Ville de Bordeaux 2024

Les amants 

Bronze, 105 cm, 2012

Intitulée « Les amants » ou « Les danseurs de milonga », cette sculpture monumentale offre deux perspectives sur l'atmosphère envoûtante de cette danse émergeant dans les quartiers populaires de Buenos Aires à la fin du 19ème siècle.

 

Précédant le tango et ayant grandement influencé son développement, la milonga anime ici deux figures distinctes, un homme et une femme. La profondeur de leur connexion émotionnelle, leur lien intime et leur élan passionné sont capturés avec intensité, et ce, tout en préservant une distance subtile entre chacun de leurs corps.

L'éveil

Bronze, 100 cm, 2002

La scène est remarquable par sa simplicité : une femme sort doucement de son sommeil. Agenouillée, son corps est réduit à des volumes massifs et anguleux, mais sa posture droite et élégante alors qu'elle s'étire en passant son bras replié derrière sa tête, dissipe toute pesanteur, toute inertie. Emplie d'une confiance tranquille, elle contemple son environnement avec assurance, en parfaite harmonie avec elle-même et le monde qui l'entoure.

 

Pour cette sculpture alliant puissance et sérénité intérieure, Abram a reçu le Prix Camille Claudel à Paris lors du Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts en 2013.

Flamenca

Bronze, 210 cm, 1994

La musique occupe une place centrale dans l'œuvre d'Abram. Amateur de violoncelle, instrument qu'il a pratiqué pendant des années, Abram voue un amour profond à la musique classique. Parmi ses compositeurs favoris figurent Bach, Bartok, Ravel, Puccini ou encore Manuel de Falla, dont le drame lyrique « La Vie brève » lui a inspiré une œuvre du même nom.

 

Transmise par sa mère, qui travaillait dans une maison de disques spécialisée dans l'opéra, cette passion s'étend également à la malagueña : une danse et un chant traditionnels andalous associés au flamenco, qui puise ses racines dans la région de Malaga, d'où était originaire la grand-mère de l'artiste.

L'attente

Bronze, 100 cm, 2000

La sculpture présente un personnage assis dans une attitude d'attente. Réduite à sa plus simple expression, sa silhouette flirte avec l'abstraction, et ses contours, tantôt saillants, tantôt courbes, semblent se liquéfier dans un écart temporel indéfini et diffus.

 

Cette attitude suggérant l'apathie et l'indolence, prend une toute nouvelle dimension lorsque l'on observe son dos et sa colonne vertébrale, dont la ligne semble métamorphoser le mouvement du corps vers une orientation tout autre, active et céleste, donnant l'impression qu'il regarde vers le ciel.

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Le Minotaure

Bronze, 210 cm, 2019

Abram puise dans la figure majestueuse du taureau une source inépuisable d'inspiration. Captivé par sa magnificence, sa noblesse et sa puissance, cette fascination rencontre ici la mythologie grecque. L'histoire est connue : une créature fabuleuse, mi-homme mi-taureau est enfermée dans un labyrinthe en Crète, où elle reçoit en sacrifice des jeunes Athéniens jusqu'à ce que Thésée réussisse à la terrasser.

 

Habituellement lié aux symboles de brutalité et de sauvagerie, le Minotaure incarne ici une beauté intemporelle, résultant de l'harmonieuse fusion de sa nature mi-humaine mi-animale.

Le couple de la rivière

Bronze, 105 cm, 2010

L'amour, thème intime et universel, est associé ici à un cours d'eau : L’Isle, prenant sa source dans le Massif Central, traversant le département de la Dordogne avant de se jeter dans le fleuve éponyme à Libourne. En osmose avec cette rivière, les silhouettes de ce couple se fondent dans un mouvement fluide et gracieux, épousant les courants de l'eau.

 

Dans cette fusion entre les éléments, émergent des lignes et des contours qui ne délimitent pas une forme précise mais accompagnent le mouvement, esquissant parfois un œil, une chevelure.

Exposition Abram, parc Rivière, 2024
Textes : Anna Maisonneuve
Photos ©L.Gauthier - Ville de Bordeaux

Affiche 30+5 Peintres, MildredBendall

30+5 PEINTRES / Collection de la Ville & Artistes invités

Commissariat d'exposition + textes + scénographie : Elisa Mistrot

Affiche 30+5 Peintres, Henry Mazaud

30+5 PEINTRES / Collection de la Ville & Artistes invités

 

Depuis près de quarante ans, une certaine histoire de l'art s'écrit à Mérignac sur les cimaises de la vieille église St. Vincent. Une histoire rarement racontée, attachée aux artistes régionaux et dont témoigne heureusement un petit trésor, la Collection de la Ville. Riche à bien des égards sur lesquels il conviendra de revenir, cet ensemble de plus de quatre cent œuvres représente et conserve depuis 1981, un flamboyant fragment de peinture girondine. L'importance de cette Collection ne se mesure pas en volume mais en qualité, et tient toute sa noblesse de l'intention qu'elle incarne depuis ses premiers jours. Célébrer les peintres d'ici, d'hier et d'aujourd'hui. L'exposition 30+5 PEINTRES n'entend pas oublier qu'elle est l'héritière de cette intention, aussi mêlera t-elle cinq contemporains d'ici aux trente choisis parmi ceux de la Collection de la Ville. Affranchies de toute chronologie, leurs œuvres se répondent ici par la forme, là par le fond, mettant finalement au service d'un ensemble d'abord pictural, leurs magnifiques singularités.

Exposition 30+5 Peintres, vieille église, Merignac, Tatiana Defraine, André Lourtaud, Pierre Sudré

photo : Aurélien Marquot

Émouvante histoire d'une collection nécessaire

 

« Dès 1981, était amorcée la création d'une collection telle qu'avec le temps elle constituera, de manière permanente, au travers d’œuvres significatives, un panorama aussi large que possible de la peinture en Gironde depuis un siècle »

 

Ces mots écrits en 1988 à l'occasion d'une exposition consacrée à la Collection de la Ville, et qui expriment si bien l'essence, l'intention derrière cette idée singulière d'un fond municipal, sont de l'homme qui contribua tant à la concrétiser.

Jean Couraud avait été pharmacien dans un quartier populaire du Mériadeck d'avant les grands travaux. Un quartier aujourd'hui disparu, pauvre, insalubre et malfamé soulignait-on déjà en omettant de préciser qu'il était aussi le territoire des antiquaires et brocanteurs installés sur la place du marché aux puces, et qu'il n'était pas rare de croiser sur leurs étals des œuvres accidentellement oubliées par la grande histoire de l'art. Peut-être est-ce là que grandit l'autre vocation de Jean Couraud. Ami des arts et des artistes qu'il défendit toute sa vie, il fixa notamment son regard érudit et toujours curieux de grand collectionneur sur les peintres de chez lui. Dès 1978 dans sa galerie la Cimaise de la rue des Remparts, il proposait au public de partager sa passion pour la peinture ; mais c'est à Mérignac où il passa les dernières années de sa vie, que son admirable mission pu véritablement s'accomplir.

Le maire Michel Sainte-Marie, lui-même éprit de culture et conscient du relatif abandon dont souffraient les artistes de la région, confia à Jean Couraud le commissariat d'expositions consacrées, d'abord à l'hôtel de ville puis à la vieille église St. Vincent, à de grandes figures bordelaises de la peinture des XIXème et XXème siècle. Ainsi, après celle de Mildred Bendall en 1981, de nombreuses rétrospectives d'envergure rendirent de justes hommages aux regrettés Cante, Bégaud, Brunet, Mathias, Charazac ou Sudré, mais aussi notamment à Belaubre, Joussaume ou Bonvallet-Philippon qui reçurent ces honneurs de leur vivant. Charles Cante aurait du faire partie de ces derniers mais, ainsi que l'écrivit Sainte-Marie en préface du catalogue de l'exposition du peintre en 1982 « Hélas, le destin différa le projet »

L'artiste ne vit jamais la centaine de ses œuvres rassemblées cette année là à l'hôtel de ville, pas plus qu'il ne vit, quelque temps plus tard, son nom inscrit en grand sur la façade de la vieille église devenue centre d'art, et que l'on appelait alors Fondation Charles Cante. Non sans belles raisons. À la mort de Charles en 1981, sa veuve Louise fit don d'une trentaine d’œuvres à la ville ayant plusieurs fois célébré le travail de son mari. La collection de Mérignac naissait, et grandirait dans la générosité. Car l'élan de Mme Cante fût largement suivi. Aux achats sensibles et mesurés de Jean Couraud s'ajoutèrent tant de dons, qu'aujourd'hui leur nombre dépasse largement celui des acquisitions. La peinture, et notamment celle d'ici on l'aura compris, y est très majoritaire. Pourtant quelques sculptures viennent ponctuer l'ensemble, et voici une quinzaine d'années que la collection fait la part belle à la photographie. Comme toute entité vivante elle évolue. Ses fondations n'en demeurent pas moins solides et l'histoire de leur construction passionnante. C'est à cette histoire là, celle des débuts, qu'à travers l'exposition j'ai voulu aussi donner corps, car elle incarne une mission toujours nécessaire. Non pas d'écrire l'épitaphe de la peinture girondine, mais bien plutôt d'en célébrer la flamboyante vitalité, passée, présente, et à venir.

photos : Aurélien Marquot

Encore d'Autres peintres d'ici

 

L'expression employée si souvent par Jean Couraud dans ces textes, se retrouve au moins trois fois en titre des expositions liées à la Collection. En 1988 avec « Peintres d'ici », « Trois peintres d'ici » en 1989 et « Autres peintres d'ici » en 1990. Ces autres, à l'instar des cinq invités aujourd'hui, étaient venus dialoguer le temps d'une exposition, avec ceux de la Collection.

 

Maya Andersson, Priscille Claude, Tatiana Defraine, Franck Garcia et Simon Rayssac sont intrinsèquement peintres. Leur peinture les prolonge, elle leur ressemble et se reconnaît au premier coup d’œil, chacune à sa manière éclatante, solide et inspirée. Rien moins que cela, c'est ce qu'il faut pour se mêler sans disparaître dans un ensemble auquel on n'appartient pas au départ. Et il faut davantage pour que le dialogue ne soit pas seulement de circonstance mais plutôt vibrant de répartie, et qu'à travers lui émerge un nouvel ensemble, sublimé par la rencontre. Il faut ce qu'ont bien ces cinq là, un talent qui ne craint pas les modes et dont on peut prédire qu'il ne souffrira pas du temps. Sans périphrase, cela revient à dire qu'il y a chez eux quelque chose d'intemporel. C'est, je crois, l'apanage de ceux qui parlent sincèrement la langue picturale. Ils communiquent par l'émotion. C'est là l'éternité, car l'émotion demeure. Les œuvres de la Collection en témoignent, elles nous parlent toujours aujourd'hui. L'exposition tâchera de faire sentir de quelle manière elles ont aussi touché nos cinq peintres invités et comment ils ont su par leur répondant, amener ceux de la collection à exprimer toute leur modernité.

Mars 2023

Exposition 30+5 Peintres, Gaëtan Dumas, Priscille Claude, Maison carré d'Arlac
Exposition 30+5 Peintres, Serge Labegorre

photos : Aurélien Marquot

Quelques biographies d'artistes

textes écrits pour l'exposition, en mars 2023

Louis-Augustin Auguin, peinture huile sur toile, 1867

Dans la dune, Louis-Augustin Auguin, 1867

Louis-Augustin Auguin 1824-1903

Né à Rochefort dans une famille d'artistes qui l'initie à la peinture, Louis-Augustin Auguin poursuit son apprentissage à Paris, auprès notamment de Camille Corot qu'il accompagne dans ses séjours à Barbizon, près de la forêt de Fontainebleau. Imprégné de plein-airisme, il rapatrie cette approche picturale et la poursuit sur les bords de la Charente, que ses amis Corot et Courbet viennent à leur tour découvrir en 1862. L'année suivante, malgré quelques succès au Salon parisien, c'est à Bordeaux qu'Auguin choisit finalement de s'installer.

Dès 1857, il se fait remarquer au très récent Salon de la Société des Amis des Arts et y exposera, sa vie durant, plus de 150 toiles. Des paysages, souvent de grands formats, des landes, sous-bois et marais, de grandes étendues sauvages où la main de l'homme n'intervient que par la peinture. Mais ce sont les dunes et le bassin d'Arcachon qui révèlent absolument son talent et séduisent plus particulièrement son œil de coloriste.

L'école de peinture qu'il ouvre à Bordeaux attire beaucoup d'élèves qui suivront ses pas, tels Louis-Alexandre Cabié ou Julien Calvé dont la toile présentée ci-contre démontre l'attachement au vieux peintre, unanimement considéré comme le chef de file de l'école du paysagisme bordelais.

Nature morte aux poissons, Jac Belaubre, 1977, peinture huile sur toile

Nature morte aux poissons, Jac Belaubre, 1977

Jac Belaubre 1906 - 1993

Né à Preignac près de Langon, Jac Belaubre découvre la peinture au Lycée Montaigne où il suit les cours d’Henri Barbier et de Gustave Quenioux, ancien élève de Gustave Moreau. Dès ses débuts, il rejette les rigueurs de l’académisme et rejoint tout naturellement les Indépendants bordelais, société dissidente d’artistes opposés à l’art dit pompier, incarné à Bordeaux par la respectable et vieillissante Société des Amis des Arts. On y retrouve le critique Jean-Loup Simian et les artistes George de Sonneville, Pierre Molinier, Belaubre donc, mais aussi Bendall, Boissonnet, Cante, Gay ou Lourtaud qui regardent du côté de l’avant-garde parisienne et créent l’événement lors du premier Salon des Indépendants en 1928, sur les terrasses du Jardin Public. L’art vivant fait officiellement son entrée dans une ville, qui d’après Belaubre lui-même, est « seulement réputée, à juste titre, pour enfanter, avec une périodicité troublante, des prix de Rome successifs ».

Car Jac Belaubre écrit, en plus de peindre. Critique et journaliste engagé, il défend une peinture libre et téméraire et se met au service des artistes en qui il croit. Il écrit énormément pour les autres, organise des expositions et incarnera jusqu’au bout, généreusement et toujours avec panache, cette lutte de toute une scène artistique qui lui doit finalement beaucoup. Comme peintre, il se trouvera vite mais évoluera constamment, rare synthèse que montrent bien les toiles de ses dernières années. Le geste tourbillonne, le coloriste exulte et nous communique sa joie, son enthousiasme et son grand amour de la peinture.

Mildred Bendall, naure morte aux pensées, peinture huile sur toile

Nature morte aux pensées, Mildred Bendall, nd : années 1950

Mildred Bendall 1891-1977

Née à Bordeaux dans le monde aisé et cosmopolite du négoce, Mildred Bendall est d'origine anglaise par son père. En 1910, elle intègre pour quatre ans l'école des beaux-arts de Bordeaux et suit parallèlement des cours auprès de Félix Carme, réputé pour ses toiles représentant les intérieurs cossus de l'élite locale, mais aussi pour ses élégants bouquets et natures mortes. Bendall apprend et excelle bientôt dans ces domaines comme dans celui du paysage qu'elle pratique au gré de ses voyages et des vacances estivales dans la propriété familiale de l'Herbe, sur le bassin d'Arcachon.

Mais sentant son époque elle veut aller plus loin. À trente ans passés elle part pour Paris et complète sa formation à la Grande-Chaumière, académie libre de Montparnasse où bouillonne déjà la future école de Paris : Braque, Giacometti, Picasso, Léger, Marquet et surtout Matisse qui devient son ami. Ces rencontres sont une révolution dans sa peinture. Après cela, écrit Dominique Dussol dans Mérignac, La Collection « elle dépoussiéra ses bouquets, se débarrassa de la nostalgie intimiste de son maître bordelais, en même temps que des bibelots précieux. La simplicité de ses compositions, la franchise de sa palette, la spontanéité de sa touche et de son graphisme nerveux atteindront des audaces fauves ou post-cubistes qui ne pourront être appréciées qu'au Salon des Indépendants Bordelais, à partir de 1927 » Ce Salon des Indépendants, c'est la réponse à l'art dit pompier qui domine encore à Bordeaux, et Bendall en sera la plus efficace ambassadrice. Grâce à elle Matisse, Bonnard, Utrillo, Braque et Picasso y exposent aux cotés de ses amis bordelais Belaubre ou Boissonnet, avec lesquels elle formera plus tard la société Regard.

Reconnue pour ses bouquets qui dominent il est vrai dans son œuvre, Mildred Bendall s'est pourtant frottée à tous les sujets, réalisant de rares mais saisissants portraits et de nombreuses marines qui, comme ses natures mortes, sont prétexte à des compositions très personnelles qui tendent de plus en plus vers l'abstraction. Elle ne franchira réellement le pas qu'à la fin de sa vie, toujours avec ce geste, cet équilibre et cette palette inimitable qui donnent tant de caractère à son œuvre.

Charles Cante, la chaise aux chardons, peinture huile sur toile

La chaise aux chardons, Charles Cante, nd : années 1980

Charles Cante 1903-1981

Né à Villenave d'Ornon dans une famille d'ouvriers agricoles, Charles Cante apprend la peinture en solitaire. Malgré un court passage par l'école des beaux-arts où il rencontre son grand ami Robert Charazac, il suit dès ses débuts sa propre trajectoire. Taiseux, honnête, authentique et sincère, tous ceux qui l'ont connu soulignent sa grandeur d'âme et la profondeur de son engagement pictural. Tout son temps libre de peintre-décorateur spécialisé dans la restauration des églises, il le passe à courir la région en quête de paysages à saisir, toujours sur le motif, sur la toile ou le papier. Qu'il empâte, taille et maçonne au couteau dans l'huile brillante ou qu'il rythme de vifs traits d'encre noire ses subtiles aquarelles, Charles Cante traduit bien plus que ce qu'il voit. D'ailleurs il est très myope et, comme Monet qu'il admirait tant, il sera contraint sur la fin de sa vie d'adapter sa peinture à ce qui deviendra un handicap. Et comme Monet les toiles de cette dernière période d'atelier, telle La chaise aux chardons, n'ont rien perdu de leur incandescente lumière. Elle gagnent au contraire en puissance, œuvres d'une vie constamment occupée, habitée de peinture.

Parce qu'il ne cherchait pas les honneurs, Charles Cante en reçu peu de son vivant. En 1969, il remporte toutefois le grand prix de la IIe. Biennale Internationale des Arts de Mérignac, et la ville une dizaine d'années plus tard travaillera avec le peintre à sa première grande rétrospective. Il meurt en juillet 1981 avant l'ouverture de l'exposition qui se tiendra finalement l'année suivante, sans savoir que sa veuve, Louise, offrant une trentaine de toiles à la ville allait initier la constitution d'une collection municipale, riche aujourd'hui de plus de 400 œuvres. Ultime hommage qui aurait certainement ému ce consciencieux restaurateur d'églises, devenant officiellement un centre d'art en 1986 la vieille église de Mérignac portera pendant quinze ans, le nom de Fondation Charles Cante.

Robert CHARAZAC, L'enfance-de-Bacchus

L'enfance de Bacchus, Robert Charazac, nd

Robert Charazac 1905-1982

Né à Bordeaux dans le quartier de la gare St Jean où son père tient une épicerie, Robert Charazac montre très tôt des dons pour le dessin. Il a quinze ans à peine lorsqu'il entre aux beaux-arts et reçoit l'enseignement académique et intransigeant de Paul Quinsac. Il y côtoie d'autres élèves comme Pierre-Albert Bégaud, Jean-André Lourtaud et surtout Charles Cante qui sera l'ami de sa vie. À l'issu de son cursus, il déroche tous les premiers prix et obtient une bourse de la ville lui permettant de poursuivre sa formation aux beaux-arts de Paris. Mais la conjoncture économique l'empêche de vivre pleinement de son art, et il rentre dès 1928 à Bordeaux pour reprendre l'épicerie familiale.

Il n'abandonne pas pour autant son ambition de percer et travaille sans relâche sur son temps libre, principalement à la plume, presque sans couleurs, sur un papier japon d'une extrême finesse dont il garde la provenance secrète. Cette technique qui privilégie l'encre de chine, impardonnable indélébile, démontre sa virtuosité de dessinateur-né. Il est un portraitiste très apprécié, sachant capter en quelques traits une étonnante mais toujours saisissante ressemblance du modèle, humain, végétal ou animal qu'il représente. Malgré sa prédilection pour la plume, Charazac explore les épaisseurs de l'huile et les nuances du fusain, rehausse parfois ces dessins de gouache et a très souvent recours au lavis. Son style très personnel s'exprime aussi dans de monumentales fresques, réalisées au lycée François Mauriac ou au siège du journal Sud Ouest aujourd'hui détruit, où les thèmes mythologiques sont abordés dans un geste très libre, maniériste à bien égards, et dont témoignent les deux œuvres présentées ci-contre.

Désireux d'enseigner, il donne des cours particuliers avant de retrouver l'école des beaux-arts de Bordeaux, comme professeur cette fois, à partir de 1950. Il sera jusqu'en 1975, un maître d'atelier très respecté.

Robert Charazac reçoit tout au long de sa carrière, des critiques élogieuses mais ainsi que l'écrit Manoli Miremont-Saves dans le mémoire qu'elle consacre à l'artiste en 2016 « Malgré des participations éparses à quelques salons parisiens, sa renommée ne dépassa jamais les frontières aquitaines (...) Finalement, Charazac fut le témoin et le représentant d'un art bordelais nuancé, entre deux eaux. Il fit le choix de l'indépendance et c'est en cela que sa réputation ne survécut pas à la postérité. »

Denise Bonvallet-Philippon, Portrait-de-Jean-Couraud, 1985, Peinture huile sur toile

Portrait de Jean Couraud, Denise Bonvallet-Philippon, 1985

Denise Bonvallet-Philippon 1906 - 1994

« Une personnalité attachante d’une rare qualité, un talent sans faille valent à Denise Bonvallet-Philippon une estime générale et sans réticence. (...) Elle excelle dans tous les genres, portrait, nature morte, intérieur, paysage, marine. Rien n’échappe à son emprise. Elle annexe ainsi avec bonheur à sa création la réalité toute entière dans toutes ses manifestations, sous tous ses aspects, du plus grandiose au plus intime. (...) Cette peinture s’impose et avec elle impose tout ce qu’il a plu à l’artiste de retenir de la réalité, mais porté à son plus haut degré d’expression, pour ainsi dire à l’incandescence. Cette transmutation s’opère par la seule vertu, la magie de la couleur et de ses assemblages. »

 

extrait d’un texte de Jean Couraud, écrit à l’occasion de la rétrospective consacrée à l’artiste en 1989, à la Fondation Charles Cante.

Jean Couraud 1908 - 1991

 

Né rue Notre-Dame à Bordeaux, dans ce quartier des Chartrons où son père tenait une pharmacie, Jean Couraud était un homme admirable. Curieux et investit, il connaissait tout de la Gironde, de Bordeaux et de ses quartiers jusqu’aux plus populaires, comme Mériadeck où il pratiqua pendant plus de trente ans, le même métier que son père. Amoureux des arts, ami des artistes, il fut un collectionneur attentif et généreux, grand défenseur et promoteur des peintres locaux dans sa galerie de la rue des Remparts, puis à Mérignac où tout au long des années 1980 et jusqu’à la fin de sa vie, il œuvra à la constitution d’un fond municipal dédié aux artistes girondins. Ainsi Jean Couraud fit-il naître et s’épanouir la Collection de la Ville ; ainsi nous permit-il d’admirer encore aujourd’hui ces œuvres qu'il ne voulait pas voir tomber dans l'oubli.

30+5 PEINTRES = 84 œuvres exposées + 3 Documents vidéo

+ d’un siècle de peinture girondine

Document vidéo : 23 minutes

Réalisation et montage : Elisa Mistrot

Images : Aurélien Marquot

 

avec Dominique Dussol

 

Historien de l’art spécialiste de la peinture des XIXe et XXe siècles, Dominique Dussol est un grand connaisseur des artistes aquitains auxquels il a consacré de très nombreux ouvrages. Longtemps critique d’art pour le journal Sud Ouest, il a souvent collaboré avec Mérignac comme commissaire d’expositions et auteur de catalogues. Il est aussi président du comité scientifique des éditions Le festin. Dans cet entretient filmé en mars 2023, Dominique Dussol revient sur l’histoire, trop peu racontée, de la peinture à Bordeaux depuis le XIXe siècle.

Dominique Dussol, entretient vidéo, réalisation Elisa Mistrot

Restauration avant Exposition

Document vidéo : 24 minutes

Réalisation et montage : Elisa Mistrot

Images : Aurélien Marquot

avec Cécile Jaïs-Camin

Conservatrice-Restauratrice agrée, diplômée de Paris 1 PanthéonSorbonne et titulaire d’un master en arts-plastiques, Cécile Jaïs-Camin collabore au quotidien avec de nombreux musées et institutions publiques en France. Dans ce reportage filmé en février 2023, elle nous présente son métier à travers les interventions qu’elle a réalisé sur quelques peintures de la collection de Mérignac, en vue de l’exposition 30+5 PEINTRES.

Cécile Jaïs-Camin, Conservatrice-Restauratrice, reposrtage réalisé par Elisa Mistrot

5 Documents d'archives conservés par l'INA

Charles Cante ou les silences de la terre

Diffusé le mardi 09 mars 1982

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Vernissage de Serge Labegorre à la Galerie du Fleuve Diffusé le vendredi 18 octobre 1968

Roganeau au travail

Diffusé le mardi 03 juillet 1973

Hommage à Charles Cante

Diffusé le vendredi 05 mars 1982

Teyssandier ou les chemins de l’origine

Diffusé le mardi 07 avril 1982

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